Plusieurs parents nous ont alertés du refus d’inscription de leurs enfants lorsque ceux-ci sont scolarisés sur une autre commune que celle de leur domicile. Par le jeu d’options incitant à se tourner vers un établissement en dehors de la commune de domicile, ou suite un déménagement par exemple, la porte de la cantine se referme devant l’enfant. Pas très joli… mais est-ce légal ?
Nous avons vu qu’un principe d’égalité des usagers devant le service public s’imposait, bien sûr applicable aux services publics périscolaires de la commune, même si le service en question est lui-même facultatif pour la collectivité (cas de la restauration scolaire). Ce principe n’est pourtant pas absolu et doit être concilié avec d’autres principes eux aussi importants. Ainsi, des différentiations de traitemententre les enfants sont permises. Est-ce ici le cas ? La domiciliation de l’usager (l’enfant…) peut être un critère décidant de l’accès (ou non) à la table de la cantine ?
Nous ne disposons d’exemple où un tribunal a été saisi de la question à propos de la restauration scolaire (mais nous sommes preneurs si vous avez…). La question a cependant déjà été posée à un juge administratif au sujet d’un service public municipal, en l’espèce une école de musique et de danse. Et la jurisprudence est riche d’enseignements… même si elle est ancienne.
Dans un arrêt de 1994 (CE, 13 mai 1994, Commune de Dreux), le Conseil d’État affirme que l’objet du service public en cause « n’exclut pas que son accès puisse être réservé à certaines catégories d’usagers, le principe d’égalité des usagers du service public ne fait pas obstacle à ce que le conseil municipal limite l’accès à ce service en le réservant à des élèves ayant un lien particulier avec la commune et se trouvant de ce fait dans une situation différente de l’ensemble des autres usagers potentiels du service ». Réserver l’accès à un service public aux seuls habitants de la commune semble ici légitimé.
Mais la juridiction administrative poursuit : « toutefois, le conseil municipal de Dreux n’a pu légalement limiter, comme il l’a fait, l’accès de l’école de musique aux personnes domiciliées ou habitant à Dreux, en refusant d’accueillir des élèves qui, parce qu’ils ont à Dreux le lieu de leur travail, ou parce qu’ils sont scolarisés dans la commune, ont avec celle-ci un lien suffisant ». Ce n’est donc pas la seule domiciliation qui peut servir de critère pour autoriser ou refuser l’accès à un service public local mais bien le « lien suffisant » avec la commune. Au titre de ce lien, d’autres éléments doivent être pris en considération dont, pour les élèves, le fait d’être scolarisé dans la commune.
Revenons à la restauration scolaire. Les principes énoncés par le Conseil d’État dans son arrêt semblent pouvoir s’appliquer à la cantine, autre « service public non obligatoire » mis en place par la commune. Une commune ne serait alors pas fondée à refuser l’accès à la restauration scolaire à des enfants régulièrement inscrits dans une de ses écoles.
Une nouvelle décision de justice serait probablement la bienvenue pour confirmer le principe et son application à la restauration scolaire… et décider les maires à, enfin, accueillir tous les enfants !
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